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Patrimoine : Trésors en errance

On aimerait pouvoir voir la tête de certains à l’annonce, la semaine dernière, du rapatriement des Etats Unis de près de 12 mille pièces archéologiques après un séjour d’une trentaine d’années au pays de l’Oncle Sam. Certains doivent s’en frotter les yeux, incrédules : ils avaient perdu jusqu’au souvenir de ce trésor national parti dans les années 90 du siècle dernier à la conquête du Nouveau Monde pour y faire rayonner l’image radieuse de notre pays.

Du moins, était-ce ainsi qu’on nous a présenté cette opération destinée, à leur dire, à faire connaître la Tunisie au plus large public américain grâce, notamment, à l’organisation d’une exposition itinérante de plusieurs mois dans presque tous les Etats de l’Union et au terme de laquelle ces pièces devaient regagner le bercail. D’autres, les plus jeunes, doivent se sentir comme sur un radeau perdu au milieu de l’océan. Jamais ils n’avaient entendu parler d’un tel trésor en errance depuis des décennies. D’autres, enfin, doivent éprouver quelque inquiétude parce que mêlés de près ou de loin à cette immense supercherie. 

En tout cas, les Tunisiens doivent une fière chandelle à l’actuel directeur général de l’Institut national du Patrimoine, Tarak Baccouche, dont certains décrient les méthodes mais qui, dans le cas d’espèce, s’est montré d’une redoutable efficacité. Au terme d’efforts considérables qui n’avaient pas été déployés auparavant par l’administration de l’INP, il a fini par obtenir le rapatriement du lot d’objets prêtés «à des fins de recherche scientifique» à l’Université de Géorgie qui avait participé dans les années 70 du siècle dernier à la campagne internationale de fouilles organisée à l’initiative de l’Unesco pour la sauvegarde de Carthage. L’université américaine n’est pas la seule à avoir bénéficié de cet arrangement. D’autres institutions similaires des Etats-Unis et d’Europe en ont également profité.

Certaines parties devaient espérer secrètement une amnésie sans fin dans notre camp

L’auteur de ces lignes, ancien de l’Institut national d’Archéologie et d’Art (Inaa), ancêtre de l’actuel INP, de par ses amitiés au sein de l’Institution, avait été prévenu en son temps des aspects «commerciaux» de l’opération qui ne bénéficiaient qu’aux seules parties étrangères. Pour prendre le seul exemple de l’exposition itinérante, les recettes, nécessairement considérables au vu des pratiques américaines et européennes en la matière, sous forme de droits d’entrée, de conférences et de projections payantes ainsi que de publications dédiées ou de vente d’articles dérivés ne rapportent rien à notre pays sauf, peut-être, des miettes à des collaborateurs tunisiens plus ou moins passifs devant de telles pratiques.

Plus grave : certains archéologues tunisiens soupçonnent de possibles pratiques de détournement par la substitution de copies à des artefacts de valeur. Nous n’irons pas jusqu’à insinuer que certaines parties devaient espérer secrètement une amnésie sans fin dans notre camp qui finirait par un abandon pur et simple de la cagnotte…

Comme indiqué ci-dessus, l’université américaine de Géorgie n’a pas été la seule à profiter de notre prodigalité. Des institutions similaires des USA, de France, d’Italie et du Canada en ont également bénéficié. Il s’agit, aujourd’hui de récupérer ces trésors disséminés à droite et à gauche. Il s’agit également de pousser les investigations aussi loin que possible (nombre d’acteurs ayant quitté ce monde) pour déterminer les circonstances de tels dérapages et les responsabilités dans de telles transactions.   

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